Le massage : un métier masqué ?

Alors que la reprise d’activité devrait être libératrice, nombre de professionnels du massage ressentent avec une intensité accrue les difficultés de la profession. La crise Covid-19 fait tomber les masques.

Reprendre, oui, mais masqué. Drôle de carnaval.

La sortie d’une longue période de confinement vient nous rappeler combien ce métier est difficile, délicat et fragile, qui exige totale disponibilité et concentration.

Masseur, vous avez certainement déjà vécu ces moments de doute et d’affolement de la boussole. Au lendemain d’un changement de salle de massage, à l’occasion de la mise en œuvre d’une nouvelle technique, en cet hôtel où vous n’avez pas vos repères… Comme s’il vous fallait reprendre les bases, repartir à zéro, retrouver vos mains, voire réinvestir votre concentration et votre capacité à mettre en vibration votre énergie vitale. Eh bien c’est un peu ce que ressentent nombre de masseurs, confrontés à ce nouvel environnement humain et technique qu’imposent les mesures de distanciation. Le masque, voire les gants, le protocole hygiéniste, les questions et les précautions, sont autant de petites entraves à la spontanéité. Non, décidément, le masque, ce n’est pas la fête, ce n’est pas le carnaval.

 

L’appétence pour le massage n’était-elle qu’un masque ?

La reprise, sa force, son rythme, sera un bel indicateur de la réalité de la culture du massage en France.

Le 11 mai matin… le téléphone n’a pas sonné. La messagerie est demeurée muette. Mais qu’est-ce qu’ils font ? Ils ont été sevrés pendant deux mois. Ils devraient être en manque, impatients. Ils devraient faire la queue devant mon cabinet… Ils ? Les clients ? Les amateurs de massage. Les convaincus des médecines alternatives. Les « zen ». Les « yogo ayurvédeux ». Les « je prends soin de mon corps ». Les « j’inscris le massage dans mon hygiène de vie »… Déception ! Se faire masser ne serait-il pas la priorité des priorités ? Au lendemain d’une rupture de rythme, alors que tout redevient un choix, le massage fait-il partie de l’essentiel ? Ou bien n’était-il qu’une pratique de confort ? Un moment récréatif ? Ou une bonne résolution un peu molle. Comme ces clients convaincus qu’ils se font masser une fois par mois, mais qui laissent des espaces de six mois sur leur agendas entre deux massages.

Lorsque la priorité est à un rendez-vous chez le coiffeur, ou à la révision de la voiture, c’est bien affirmer que le massage n’est pas la pratique indispensable que les masseurs ressentent pour eux-mêmes et projettent sur leurs clients. C’est constater que pour une part importante, la culture du massage est un construit dont l’intensité résulte d’un marketing. Soft, certes, mais néanmoins marketing. Voilà qui fissure le masque de bien des convictions.

 

Masseur, un métier socialement masqué

Notre profession ne se mobilise pas suffisamment en nombre pour faire tomber le masque dont l’inflige la société.

Avez-vous lu sur un site gouvernemental quelques recommandations pour l’application des mesures de distanciation dans les salles de massage ? Y a-t-il eu quelque ministre pour inclure le métier de masseur dans ses énumérations de sollicitudes, entre les restaurateurs et les chauffeurs routier ? Les émissions spéciales 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, ont-elles une seule fois exprimé un intérêt pour notre profession ? Y eu-t-il le moindre magazine alternatif pour évoquer le rôle du massage dans la qualité des défenses immunitaires ?

Force est de constater que ce fut, que c’est le grand vide. Saisis par nos organisations professionnelles qui les interrogeaient sur les conditions de reprise de l’activité, les pouvoirs publics n’ont pas même accusé réception. Les demandes sont demeurées lettres mortes. Le Gouvernement a laissé les masseurs se dépatouiller avec leurs interrogations, eux qui ne sont ni profession médicale ni métier utile à la société. Cette crise fait la démonstration, si besoin en était, que nos organisations professionnelles n’ont pas encore réussi à imposer la reconnaissance sociétale des métiers du massage. Ce n’est pas leur faire un procès à charge. Ces organisations n’ont de force et de moyens qu’en proportion de la mobilisation dont fait preuve la profession.

 

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